Inspirations
Zeus détrôné par L’ Amour
Quand la nuit tomba, le Prince regagna ses appartements et comme à son habitude, il ferma la porte à clé derrière lui. Lassé par une journée de plus privée de sens, il contempla ce grand lit vide ainsi que les portraits de ses glorieux ancêtres qui semblaient vouloir l’hypnotiser afin qu’il suive leur trace. Il y avait quelque chose qui lui échappait, il sentit le besoin d’ouvrir la fenêtre et de regarder le ciel étoilé pour retrouver sa clarté d’esprit.
Il se déshabilla de façon méthodique en ôtant ses riches parures et vêtements, ses bijoux d’or et ses pierres précieuses et en particulier sa bague avec ses armoiries. Il les remit dans son coffre laissant avec eux les valeurs héritées de sa lignée. Il n’était pas né pour poursuivre ce qu’avaient construit ses pères mais pour laisser place à un vent nouveau car il ne venait pas du passé mais du futur. Il se dirigea ensuite vers sa grande bibliothèque où étaient rangés des livres les plus érudits contenant des savoirs occultes sur les lois de l’Univers et sur l’histoire de l’Humanité. Il comprit que tout ceci n'avait plus d’importance et n’en n’avait jamais eu, la vérité étant relative aux yeux de qui la contemple. Fatigué, il finit par s’asseoir devant son bureau où étaient dressées des figurines de soldats sur la carte de son royaume, il venait de trouver une stratégie brillante pour vaincre ses pires ennemis. Mais à quoi bon, ces hommes n’étaient-ils pas eux aussi fils des étoiles ? C’est alors que d’un grand coup de main il fit tomber à terre ces plans de bataille, une colère profonde l’envahit, pourquoi la Terre vivait-elle cette mascarade ? Après la rage, ce fut la tristesse qui le gagna, il repensa à l’isolement qu’il avait endurer pour se dédier à ses longues études et à ce qu’il avait dû sacrifier pour se préparer à son titre. Tel un chevalier dévoué, c’était la quête de la perfection qui l’avait aidé à ne pas sombrer dans ce long parcours. C'est alors que pour la première fois depuis bien longtemps, il s’autorisa à laisser des larmes couler sur son visage d’habitude impassible. Cela lui rappela la dernière fois qu’il avait pleuré, pour une passion dévorante pour cette fille dont il s’était reconnu dans ses yeux. Elle était venue à plusieurs fêtes données au château et portait toujours un présent pour lui. Il les avait tous gardés en souvenir sur une étagère, laissant de la place pour les prochains qu’elle lui aurait portés jusqu’à leur mariage. Mais un jour, il apprit qu’elle s’était fiancée avec un étranger et qu’il ne la reverrait plus. Depuis, le feu de la passion s’était transformé en cendres mortifères et il était parti aux quatre coins du monde à sa recherche sans jamais la retrouver... Il se prit à rire de lui-même, toutes ces conquêtes n’avaient plus lieu d’exister, à présent il aspirait seulement à la paix.
Complètement nu, il sortit dans le jardin et s’aspergea de l’eau de la fontaine, tel un baptême afin de se purifier et marquer le passage à une nouvelle existence, libéré du poids du passé. Il alla ensuite vers sa statue de marbre qui le représentait dans toute sa grandeur, oeuvre si parfaite mais aussi si froide. Ainsi face à son égo, il le salua et le dépassa. Il n’était jamais allé dans cette partie du jardin plus sauvage où la nature abondait, préférant auparavant se promener dans les grandes allées qu’il connaissait. Il sentait la fraîcheur et l’humidité de la terre sous ses pieds nus, un léger vent caresser sa peau et un délicat parfum de rose atteindre ses narines. Enfin il se sentait libre et heureux. Il était devenu pur amour et par la force des choses, tout autour de lui le devenait. Pourtant cet amour qui coulait, paisible et silencieux dans tout ce qui l’entourait, avait toujours était là mais les désirs et blessures de son égo avaient pris le dessus et l’empêchaient de le percevoir.
Il finit par s’allonger sur l’herbe, jambes et bras écartés prenant la forme d’une étoile et les étoiles à leur tour, se penchèrent sur lui pour le remplir de leur lumière et de leur amour.
Marianne VOLPELIER, juillet 2023